Pub d’artiste

Art et publicité : des stratégies de mise en scène de soi

Texte de Manon Tourigny
La publicité, c’est la plus grande forme d’art du XXe siècle. – Marshall Mc Luhan

Cette citation de Mc Luhan semble étonnante prise hors de son contexte. Néanmoins, on peut comprendre que cette réflexion du théoricien et philosophe démontre la force de la publicité à se retrouver partout, mais surtout à véhiculer un message visuel destiné à un vaste public dans le but avoué de vendre un produit ou un slogan. Dès lors que l’on fait entrer la dimension artistique dans cette réflexion, il apparaît que les frontières entre art et publicité tendent à s’effacer au profit d’une hybridation, propre à notre époque. Il en résulte une recherche formelle qui permet à certains artistes de puiser dans les codes publicitaires pour les détourner ou les critiquer (1). En ce sens, il n’est pas rare de retrouver des pratiques infiltrantes d’artistes qui utilisent les canaux de communication de masse, par l’insertion de publicité dans un journal ou par la production d’une publicité diffusée sur les heures de grandes écoutes. Ils utilisent les stratégies publicitaires non seulement pour proposer une réflexion sur la nature même du médium, mais – en posant un geste subversif, humoristique ou critique- bénéficie également d’une forme d’exposition de leur démarche dans un lieu non conventionnel. Inversement, la publicité s’est souvent inspirée d’œuvres en faisant des clins d’oeil à l’histoire de l’art et à certaines de ses icônes les plus connues (2).

Par ailleurs, la démocratisation de certains canaux de communication, principalement avec Internet, permet à tout un chacun, de diffuser son message et son image. Le site YouTube (3), né en 2005, est sans doute symptomatique d’un besoin de sortir du cadre de l’espace privé pour s’exposer dans l’espace public. Avec pour sous-titre « broadcast yourself », ce site indique clairement aux usagers la possibilité de présenter leurs vidéos et, pourquoi pas, peut-être devenir célèbres. En étant constamment bombardés d’images qui prolifèrent autant dans l’espace public que dans la sphère privée, le public est devenu avide de l’exposition de soi. Ce besoin de faire image, mais surtout de projeter son image sur le plus de tribunes possibles fait déjà école, le nombre de réseaux sociaux essaimant au fil des années.

Dans le contexte de l’art actuel, quelles sont les stratégies mises à la disposition des artistes afin de promouvoir leur travail? Parler d’une démarche artistique en terme de marketing peut en faire frissonner plus d’uns. Cependant, si un artiste veut diffuser sa pratique au plus grand nombre, outre la possibilité de posséder son site Internet, les tribunes qui seraient pertinentes pour vraiment rendre justice au travail, restent somme toute limitée. De plus, comment se démarquer parmi tous ces artistes et laisser une marque indélébile au sein des nombreux jurys de pairs qui ont le pouvoir de décider si une pratique est viable ou pas?

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  1. We interrupt this program, exposition de la commissaire Sarah Robayo Sheridan (avec Steven Leiber et Ted Purves), présentée au Mercer Union de Toronto en novembre 2009, rappelait justement ce travail subversif des artistes, qui ont introduit une dimension poétique ou critique dans les médias de masse.
  2. Qui n’a pas reconnu la Joconde sur un produit ou dans une publicité? L’utilisation d’œuvres ajoute une plus-value à un produit, peu importe sa nature. Ces œuvres intemporelles, qui ont traversé les époques, créent des images mentales (bon goût, authenticité du produit, valeur sure, etc.) qu’on associe immédiatement au produit.
  3. D’autres sites du genre ont vu le jour et d’autres apparaîtront sans aucun doute, rendant encore plus probant ce désir du public de s’exposer au plus grand nombre.

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