Feu Forêt

 

De la purification des hérétiques par les flammes des bûchers, en passant par les flammes de l’enfer jusqu’aux feux de l’amour, le feu a toujours présenté une certaine ambivalence symbolique. Tout aussi fascinant que dangereux, il invite autant à la fête qu’à la révolte.  L’exposition Feu Forêt joue ici avec le feu de quelques manières : par un “tableau-sculpture” intégrant des petits écran LCD, par une technique mixte, et à l’aide d’une infographie grand format.

Ce spectacle absurde et funeste, mais d’une beauté transcendante provient peut-être de la fascination qu’exerce le feu. D’autant plus que les sapins enflammés dans les boules de noël sont innofensifs malgré la puissance de leur brasier, car ils sont virtuels. L’acte de brûler un sapin de Noël nous renvoie aussi aux origines de ce rituel.  En effet, ce serait grâce au feu divin, volé aux dieux, et transmis à l’homme par l’embrasement de l’arbre de la connaissance que naît le culte de l’arbre sacré.  Dès lors, l’homme acquit l’usage du feu et apprit à y forger des outils et des armes qui lui donnèrent du pouvoir sur son environnement et lui firent perdre son état “d’innocence” symbiotique avec mère Nature.  Ceci provoqua la colère des dieux qui le chassèrent du paradis.  L’humain tentera symboliquement d’apaiser cette colère en plaçant des offrandes sacrificielles sur un arbre avant de lui mettre le feu.

On comprend, à partir de ce mythe, les différents rituels entourant l’arbre de Noël, ses décorations et les cadeaux qui y sont déposés.  Mais, les sapins de l’installation Feu Forêt ne proposent ici aucune offrande.  Serait-ce que le populaire rituel tourne à vide?  Une chose est certaine, le plaisir esthétique et  l’admiration sont beaucoup plus grands devant l’arbre rituel dévoré par les flammes que devant ceux, parfaitement décorés, qui ornent le salon des bonnes familles.

Une des problématiques les plus intéressantes du projet réside dans la divergence des rapports à la temporalité que ces images numériques font surgir quand elles sont mises en relation avec leur pendant vidéographique.  Le feu, la flamme et l’acte de brûler sont en leur essence même des évènements temporels, de durées limitées et en perpétuelles transformations. Nous retrouvons ces mêmes caractéristiques dans l’image vidéographique.  À l’inverse, l’image photographique renvoie elle aussi à la notion de temporalité, mais en figeant le temps qui se consume. L’image fixe sort l’homme de son rapport naturel à la temporalité (le temps qui s’écoule). Devant la toute puissance de ce simulacre technologique, qui semble être en mesure d’arrêter l’écoulement du temps, l’homme s’amuse comme un dieu qui aurait le pouvoir de stopper sa propre dégénérescence, son inévitable extinction… Et brûle les sapins!

Éric Desmarais

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L’artiste remercie la Ville de Sherbrooke pour son aide financière.

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